Les médias, 4e pouvoir ? Examinons cela d’un peu plus près. Les médias, dans toute leur diversité, ont du pouvoir. Cela, d’aucun ne le conteste. Depuis l’avènement des médias 2.0, alias les réseaux sociaux, le paradigme a changé : du spectateur impuissant face à la pensée dominante, qui lui est « infligée » par des journalistes, nous sommes passé au stade de spectateur – acteur, lui-même producteur de l’info, et non seulement consommateur. C’est ce qui a donné tout leur pouvoir aux réseaux sociaux.
Les médias traditionnels l’ont vite compris, et ils s’adaptent pour s’accrocher à ce qui leur reste de pouvoir. Car oui, du pouvoir, ils en ont. Le cas Trump est là pour en attester. L’ex-président américain a fait des émules en taxant les médias, tous les médias, de « fake-news ». Du coup, il communiquait exclusivement sur Twitter. Ironie du sort, Donald Trump s’est fait bannir de Twitter, mais aussi de Facebook, Instagram et Snapchat. Comme quoi tous les médias se valent, finalement (fatalement ?). Via des clubs privés comme « Le Siècle », qui a fait l’objet d’un documentaire choc que nous ne pouvons que vous recommander (basé sur le livre Les Chiens de garde), les médias exercent un pouvoir réel en politique, mais aussi sur la société. Décryptage !
Du rôle et de l’influence politique des médias
Sans liberté d’expression, pas de démocratie. Le constat est signé Tocqueville qui, dans son ouvrage intitulé De la Démocratie en Amérique, prend l’exemple des mouvements démocratiques modernes de la société américaine pour aborder le thème de la presse. Tocqueville, comme d’autres auteurs de sa trempe, définit un triple rôle aux médias, à savoir critiquer le pouvoir, éduquer les foules et créer du lien social. Pour lui, les médias sont le garant de la liberté, mais aussi d’une forme de conscience politique. Cela dit, cette vision « tocquevilienne » est loin d’être unanime.
Pour autant, nier le rôle que jouent les médias dans les démocraties modernes serait un contresens pur. Après tout, c’est aux médias que revient la charge d’informer les citoyens, l’effet pervers étant que la presse informative a peu à peu laissé place à la presse « influenceuse », qui déforment les perceptions et manipulent les opinions. Car il ne faut pas perdre de vue que c’est l’économie qui fait la politique, et non l’inverse. La question du pouvoir de l’argent dans les médias, et partant de là en politique, n’est jamais bien loin. Après tout, les médias sont des entreprises, détenues par le capital, et ayant obligation de rentabilité. Parfois, cela passe par une ligne éditoriale lisse à certains égards, et agressive à d’autres.
Traditionnellement, les médias ont depuis longtemps été considérés comme le 4e pouvoir en démocratie. Leur rôle est clair : faire contrepoids aux trois autres pouvoirs que sont l’exécutif, le législatif et le judiciaire. Dans son acception classique, la presse a vocation à critiquer le pouvoir, comme l’a fait remarquer Tocqueville, bien avant que ne soit formulée l’idée même des réseaux sociaux. Tocqueville avait tout bon.
Médias, politiques : qui influence qui ?
La relation entre les médias et les politiques est empreinte de complexité, c’est le moins que l’on puisse dire. Une complexité qui s’explique, largement, par le fait que les deux s’influencent mutuellement. Pour dire les choses simplement, chaque partie cherche à atteindre ses propres objectifs : les médias sont animés par le désir d’informer et de fidéliser leur audience, tandis que les politiciens aspirent à rallier les électeurs à leur cause. Dans ce jeu d’influences, difficile de savoir qui mène réellement la danse…
D’une part, les médias façonnent l’opinion publique en abordant des sujets qui touchent la société. Ils choisissent les thèmes, les mettent en lumière et provoquent le débat. En écho à cette dynamique, les politiciens adaptent leur discours et leurs programmes pour répondre aux préoccupations soulevées par les médias, espérant ainsi toucher le plus grand nombre d’électeurs. Les médias, en somme, agissent comme un miroir de la société tout en étant un générateur d’opinions politiques.
D’autre part, les médias jouent un rôle de garde-fou en gardant un œil, critique, sur l’action politique. Quand un scandale éclate (affaire Clearstream en France, Lewinsky aux Etats-Unis…), les médias accourent pour pointer les politiques du doigt, et faire exploser leur audimat par la même occasion. En cela, les médias exercent un contre-pouvoir essentiel à la démocratie. Cela dit, les politiciens ne sont pas en reste lorsqu’il s’agit d’utiliser les médias à leur avantage : ils cultivent leur image, s’efforcent de séduire les journalistes et cherchent à être omniprésents dans les médias. La « peopolisation » croissante des politiciens illustre cette stratégie. Objectif : maximiser leur visibilité en vue d’étendre leur pouvoir d’influence.
Qui donc des médias ou des politiciens influence l’autre le plus ? Difficile de trancher… Ce qui est sûr, c’est que cette relation impacte indéniablement l’opinion publique, ce qui nous amène à une question d’égale importance : quelle est l’influence des médias sur la société ?
Impact social des médias : influence ou propagande ?
« La Psychologie des foules », l’excellent ouvrage de Gustave Le Bon, en dit indirectement long sur ce sujet. Il est toutefois utile de noter que Scipio Sighele fut l’un des premiers intellectuels à établir l’influence indirecte des médias sur les foules, allant jusqu’à inciter certains individus à devenir criminels. Cette théorie fut reprise par Gustave Lebon, qui divisait les individus en deux catégories : les êtres « supérieurs », manipulateurs, et les êtres « inférieurs », crédules et influençables. Selon Lebon, les idées naissent de l’imitation et se propagent par contagion, faisant des foules un obstacle au progrès de la société.
Gabriel Tarde, de son côté, introduisit la notion de « public », défini comme une collectivité spirituelle composée d’individus physiquement séparés mais unis mentalement. Selon Tarde, on appartient à une foule, mais à plusieurs publics. Il affirme également que la presse n’invente pas les opinions, mais les active, confirmant les opinions préexistantes. Cette nuance est d’une importance capitale…
Dans son ouvrage « Le viol des foules par la propagande politique », Serge Tchakhotine va encore plus loin en soutenant que les médias, par leur manipulation et leur propagande, ont contribué à la montée du totalitarisme. Cependant, il ne perçoit pas forcément la propagande comme négative… Pour lui, tout dépend de qui la contrôle. Tchakhotine a par ailleurs introduit la notion de « viol des foules », qui représente l’idée d’une manipulation des individus par les médias en jouant sur leurs pulsions, facilitée par le développement des médias de masse dans la société moderne.
A ce stade, une petite précision s’impose… Bien que convaincantes, les théories de la psychologie des foules sont principalement basées sur des postulats, et ne reposent donc pas sur des enquêtes empiriques. Autrement dit, l’idée selon laquelle les médias influencent les foules n’a pas été mesurée scientifiquement et se base sur des déductions, lesquelles ne tiennent pas compte du contexte social et supposent que tout message émis est nécessairement reçu et compris. Bien entendu, ce n’est pas toujours le cas…