Quand on parle de finances publiques en France, ce n’est jamais bien simple. Entre les projets de réforme, les ambitions de croissance et, bien sûr, l’éternelle problématique de la dette, il y a de quoi perdre son latin… Et pour ne rien arranger, voilà que les agences de notation, ces mastodontes de la finance mondiale qui font la pluie et le beau temps, viennent poser leur regard (implacable) sur l’Hexagone. Standard & Poor’s, Fitch, et Moody’s – trois noms qui font trembler les gouvernements et influencer les taux d’intérêt, et qui aujourd’hui, tirent la sonnette d’alarme pour la France. Décryptage d’une situation qui pourrait bien nous coûter cher !

Des agences qui notent, une dette qui s’alourdit

D’abord, un petit rappel pour bien comprendre de quoi on parle. Les agences de notation financière, ce sont des organismes privés qui évaluent la capacité des Etats – et des entreprises aussi – à rembourser leurs dettes. En clair, elles sont là pour rassurer (ou non) les investisseurs sur le fait que leur argent est en sécurité. On parle de notes allant de AAA pour les plus fiables, jusqu’à D pour les cas désespérés. Ces notes influencent directement les taux auxquels les pays peuvent emprunter sur les marchés financiers : plus la note est basse, plus l’Etat concerné devra offrir des intérêts élevés pour attirer les investisseurs. Et c’est là que le bât blesse.

Depuis quelque temps, la France, avec sa dette publique qui dépasse désormais les 3 000 milliards d’euros – soit plus de 110 % de son PIB – est dans le viseur de ces agences de notation. Et elles n’y vont pas de main morte. En mai 2024, Standard & Poor’s (S&P pour les intimes) a dégradé la note de la France de AA à AA-. Une petite descente d’un cran, certes, mais qui en dit long sur l’inquiétude de S&P face aux déficits publics et aux projections budgétaires de l’Etat français. Et comme si cela ne suffisait pas, les deux autres agences de notation lui ont emboîté le pas avec leurs propres révisions en octobre 2024, mettant toutes deux la France sous perspective négative. En gros, elles disent : « On garde un œil sur vous, et si ça ne s’améliore pas, attendez-vous à une autre dégradation ».

Certains iront même jusqu’à dire que l’ancienne agence de notation du milliardaire Ladreit de Lacharrière pourrait avoir “trafiqué” la note pour ne pas infliger un revers trop cuisant à la France. Il va sans dire que ces allégations sont en parfaite méconnaissance du travail des analystes de ces agences. Il est possible à tout le moins de penser que les agences peuvent s’être trompées, et encore cela est très subjectif, mais avancer l’idée d’une malhonnêteté ne rime à rien. Les agences ont leurs propres critères d’évaluation et elles suivent leurs procédures. Cependant, cela révèle quand même un problème structurel en France autour de la dette.

Pourquoi les agences s’inquiètent-elles pour la France ?

Mais alors, qu’est-ce qui cloche dans les comptes de l’Hexagone ? D’abord, il y a ce fameux déficit budgétaire qui continue de s’aggraver. En 2023, il s’est établi à 5,5 % du PIB, bien au-dessus des limites fixées par l’Union européenne (même si, soyons honnêtes, la crise du Covid a un peu rebattu les cartes pour tout le monde). Mais le problème, c’est que la tendance ne semble pas prête à s’inverser. Les recettes fiscales baissent, tandis que les dépenses publiques continuent d’augmenter, un cocktail explosif pour le budget.

Qu’on se le dise, les agences de notation n’aiment pas du tout ce mélange-là. Pour elles, un déficit chronique couplé à une dette colossale signifie que la France risque de se retrouver en difficulté pour honorer ses engagements financiers. En termes simples, si Paris continue de dépenser plus qu’il ne gagne, la confiance des investisseurs pourrait en prendre un coup, et avec elle, la capacité de l’Etat à emprunter à des taux raisonnables. Le hic, c’est que ce schéma est devenu presque systémique : chaque année, la France doit emprunter pour financer ses nouveaux projets, mais aussi pour rembourser les dettes anciennes. Un cercle vicieux, en somme.

Instabilité politique et réformes en retard

A ce tableau déjà bien chargé vient s’ajouter un autre facteur qui inquiète les agences : l’instabilité politique. Depuis quelques années, la France est le théâtre de mouvements sociaux intenses, qui compliquent l’adoption de réformes pourtant jugées nécessaires par les experts économiques. La réforme des retraites, par exemple, est un serpent de mer qui traîne depuis des décennies. Chaque gouvernement qui tente de s’y attaquer se heurte à des manifestations massives, et finit souvent par lâcher du lest pour calmer la rue.

Pour Standard & Poor’s et ses consœurs, cette incapacité à réformer est un vrai problème. Un pays qui ne peut pas s’adapter est un pays qui risque de se retrouver à la traîne. Et pour un Etat aussi endetté que la France, cela signifie un risque accru de voir ses finances se dégrader encore plus vite.

Et maintenant, quelle stratégie pour la France ?

Face à ces avertissements répétés, le gouvernement français se retrouve dans une situation délicate. D’un côté, il doit contenir la dette et réduire le déficit pour éviter de nouvelles dégradations de note. De l’autre, il doit répondre aux attentes de la population en maintenant un niveau de services publics élevé et en finançant des projets de relance économique.

Le ministre de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, Antoine Armand, a récemment affirmé l’engagement de la France à redresser ses finances publiques. Lors d’une déclaration le 25 septembre 2024 devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, il a souligné la nécessité d’un « budget de vérité et d’effort » pour maîtriser la dette publique, qui atteignait plus de 3 000 milliards d’euros en 2023, soit 111 % du PIB. Puis, le 7 octobre 2024, il a assuré que le budget français pour 2025 s’inscrirait pleinement dans les nouvelles règles budgétaires européennes, visant à ramener le déficit public à 5 % du PIB en 2025, avec l’objectif de le réduire en dessous de 3 % d’ici 2029. Enfin, plus récemment, le 4 novembre 2024, le ministre a déclaré que les Français devraient travailler davantage pour stimuler la croissance économique, notant que la durée annuelle de travail en France est inférieure à celle de ses voisins européens, ce qui impacte négativement les recettes fiscales et les cotisations sociales.

L’œil des investisseurs rivé sur l’Hexagone

Pour les investisseurs internationaux, la situation française est à la fois source d’inquiétude et d’opportunités. D’un côté, une dette en hausse et des déficits qui explosent ne sont jamais de bons signes pour les marchés. Mais de l’autre, les réformes économiques pourraient renforcer la compétitivité de la France, attirant ainsi de nouveaux capitaux. A court terme, tout dépendra de la capacité du gouvernement à rassurer les agences de notation et à montrer qu’il est prêt à prendre des mesures pour stabiliser les finances publiques. La pression est forte, et la France n’aura pas le droit à l’erreur. Les agences de notation ont les yeux braqués sur l’Hexagone, prêtes à réagir au moindre faux pas.

 

Sources :
https://www.francetvinfo.fr/economie/budget/dette-de-la-france-l-agence-standard-poor-s-baisse-la-note-tricolore-de-aa-a-aa_6577382.html
https://www.francetvinfo.fr/economie/deficit/dette-publique-l-agence-moody-s-maintient-la-note-de-la-france-a-aa2-mais-ouvre-la-porte-a-une-future-baisse_6859994.html
https://www.francetvinfo.fr/economie/deficit/l-agence-fitch-maintient-la-note-de-la-france-au-niveau-aa-mais-la-place-sous-perspective-negative-le-gouvernement-prend-acte-de-cette-notation_6832583.html