« Vous avez menti aux Français ! Vous saviez, dès la présentation en octobre du budget 2024, que vos chiffes étaient faux ». Les mots d’Olivier Marleix, député d’Eure-et-Loir, sonnent comme un orage. Bruno Le Maire aurait-il, vraiment, menti aux Français ? Alors que l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) révise à la hausse les prévisions de déficit pour 2023 à 5,5 %, Jean-François Husson, rapporteur général du budget, livre une analyse cinglante de la gestion des finances publiques par le gouvernement. Lors d’une inspection menée la semaine dernière au ministère de l’Economie, il ressort que dès le 6 octobre, les experts de Bercy avaient commencé à sonner l’alarme sur un affaiblissement des comptes nationaux. Pour Husson, la fin de l’année 2023 s’annonce sous le signe d’un déficit encore plus lourd que les anticipations les plus pessimistes, une perspective qualifiée de « quasi-certitude ». Face à ces avertissements précoces, le ministre du président Emmanuel Macron, Bruno Le Maire, est accusé, si ce n’est de mensonge, à minima d’inaction, Husson déplorant un manque flagrant de volonté politique pour rectifier le tir des finances de l’Etat. Décryptage !
Alertes multiples et inaction : Bruno Le Maire face à la dérive budgétaire
Lors du contrôle inopiné au ministère de l’Economie, prévenu seulement deux heures avant l’arrivée de Jean-François Husson, des révélations capitales sont mises en lumière… Le sénateur avait formulé une requête explicite : obtenir les communications internes sur l’état des finances publiques. Face à lui, des personnalités clés de Bercy, dont la cheffe économiste du Trésor, le directeur adjoint de la direction générale des finances publiques et la directrice du budget.
Ces documents révèlent une série d’avertissements adressés au gouvernement, suggérant une dégradation continue des finances publiques entre la fin 2023 et le début 2024. Parmi les signaux d’alarme, un conseil daté du 6 octobre recommandant l’annulation de 2,4 milliards d’euros de crédits ministériels pour la loi de finances de clôture. Puis, le 1er décembre, une note attire l’attention sur une baisse significative des recettes de TVA de novembre par rapport à octobre. Le 7 décembre, l’inquiétude se cristallise avec la révision à la hausse de la prévision de déficit pour 2023 à 5,2 % du PIB, contre une estimation gouvernementale initiale de 4,9 %. Il faut signaler qu’à cette date, en pleine discussion budgétaire, le sujet ne sera jamais évoqué devant le parlement… Puis, en janvier, cette prévision s’aggrave encore, atteignant 5,3 %.
Pire encore, le 16 décembre 2023, le gouvernement active le 49.3 pour faire passer le texte, engageant de fait sa responsabilité, en toute connaissance de cause ! Le 16 février 2024, deux jours seulement avant une annonce majeure de Bruno Le Maire sur TF1 promettant 10 milliards d’économies pour l’année suivante, une note révise de nouveau la prévision de déficit à 5,6 %. Cette succession d’alertes met en évidence une inaction gouvernementale face à une situation financière qui se détériore, malgré les multiples signaux envoyés par l’administration de Bercy.
La probabilité d’une crise était connue dès fin 2023 !
Dès la fin de l’année 2023, Jean-François Husson souligne l’inéluctabilité de l’écart par rapport aux objectifs de déficit fixés par le gouvernement, une certitude qu’il qualifie de « quasi-absolue ». Face à cette perspective, le gouvernement, selon lui, n’a entrepris aucune démarche significative pour rectifier le tir dans le cadre du projet de loi de finances pour 2024. « Ce n’est que trois mois après la première alerte que Bruno Le Maire a indiqué que les 4,9 % ne seront pas atteints », déplore-t-il.
Le sénateur critique vivement, ouvertement, l’attitude du gouvernement, qu’il juge non seulement irrespectueuse, mais également humiliante pour le Parlement, exprimant sa frustration face à ce qu’il considère comme une forme de mépris. Il n’hésite pas à évoquer « la plus grande crise budgétaire de la Ve République », anticipant les répercussions sociales potentielles de ces choix budgétaires.
Selon le document du 16 février, la loi de programmation des finances publiques 2023-2027, prévoyant un déficit de 4,4 % en 2024, s’avère irréaliste, le déficit devant plutôt se situer autour de 5,7 % et s’aggraver par la suite. Husson souligne l’ampleur des efforts nécessaires pour se conformer aux prévisions de la loi, et estime qu’il faudrait réaliser 30 milliards d’économies dès 2024, bien loin des 10 milliards annoncés. Il attire également l’attention sur l’octroi par le gouvernement de 16 milliards d’euros de crédits supplémentaires pour 2024, une démarche qu’il qualifie de « duplicité » et « extrêmement dangereuse ». Cette stratégie budgétaire, qui s’écarte radicalement des pratiques habituelles, soulève, selon Husson, de graves questions sur la crédibilité et la viabilité des ajustements futurs envisagés par le gouvernement pour stabiliser les finances publiques. Elle met surtout en lumière la gravité des faits, vu que le ministre de l’Economie n’a pas daigné expliquer cette erreur, ni cette rétention d’information. De là à parler d’un mensonge de Bruno Le Maire, il n’y a plus qu’un pas…
Déficit 2023 : Bruno Le Maire face au casse-tête des recettes fiscales évaporées
Face à l’annonce d’un déficit public de -5,5 % pour l’année 2023, qui dépasse largement les prévisions gouvernementales, Bruno Le Maire se trouve naturellement contraint à un semblant de justification… Ce dérapage, qualifié par Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, de « pas tout à fait inédit mais très, très rare », interroge profondément sur la gestion budgétaire de Bercy. Initialement fixé à 4,9 %, le déficit a révélé un écart substantiel, ce qui n’a pas manqué de susciter les critiques de l’opposition qui accuse le ministère de dissimulation.
Pour sa part, Bruno Le Maire évoque « des circonstances exceptionnelles » pour expliquer cette divergence, pointant du doigt une régression inattendue des recettes fiscales malgré une croissance économique au rendez-vous. Une chute de 21 milliards d’euros des recettes par rapport aux estimations de fin décembre met en lumière le fossé entre les attentes et la réalité… Selon le ministre, cette baisse s’explique en grande partie par le ralentissement de l’inflation, impactant directement les recettes de TVA, moins importantes que prévu. De plus, l’indexation du SMIC sur l’inflation et les répercussions sur la moyenne des salaires ont entraîné une diminution des recettes de cotisations salariales et d’impôt sur le revenu, accentuant encore le déficit.
Pour en savoir plus : https://www.youtube.com/watch?app=desktop&v=yXZCdtpvOiM